Comment gérer son premier jet lorsqu'on est auteurice jardinièr(e) ?

     Est-ce que vous aussi lorsque vous commencez à écrire une nouvelle histoire, votre premier jet est chaotique ?

 

     Lorsque je commence à écrire une nouvelle histoire, je ne fais jamais de plan. J’ai déjà essayé, et c’est une méthode qui ne fonctionne pas sur moi. Je me sens coincée. Mon texte manque d’originalité, je ne visualise pas. Je n’avance pas. Bref. L’inspiration me vient en écrivant. Je suis ce qu’on appelle « une autrice jardinière », et une jardinière qui jardine avec le strict minimum : un trou, une graine, et je vois ce que ça donne. 

     Le problème de cette méthode, c’est que le premier jet peut vite dégénérer et devenir complètement chaotique. L’intrigue part dans tous les sens, le worldbuilding devient incompréhensible, les personnages n’en font qu’à leur tête et le tout devient complètement incohérent. Au final, on se retrouve avec un premier jet certes terminé mais qui va demander un travail conséquent à la réécriture pour remettre toutes ses idées en place. 

     Dans cet article, je vous partage mes astuces et ma méthode de travail qui permet de ne pas m’éparpiller, me fait gagner un temps précieux et qui m’évite dix ans de réécriture. 

     Mais avant d’aller plus loin, il faut d’abord que je vous explique comment je développe une idée de roman afin de vous montrer d’où je pars et où je vais. 

Comment je développe une idée de roman ?

    J’écris essentiellement de la fantasy, et j’ai remarqué que mes idées de roman partaient toujours du système magique. C’est la première chose que je développe. Mon point de départ. C’est un élément qui intervient tout au long du récit. Il joue un rôle important dans l’incipit, dans le déclenchement de l’intrigue, les enjeux de l’intrigue, le climax et dans le combat final. 

Pour illustrer mon propos, je prends un exemple que tout le monde connait et qui est évident à comprendre : Le Seigneur des Anneaux. 

     – L’incipit : Frodon hérite de l’anneau.

     – Élément déclencheur : Frodon doit fuir la Comté pour que l’anneau de tombe pas entre les mains des Nazguls. 

     – Enjeux : Sinon, Sauron renaîtra et la Terre du Milieu sera asservi. 

     – Combat final/climax : Frodon gravit la Montagne de Feu, se bat contre Gollum, et jette l’Anneau dans le feu. 

     Bref. L’Anneau intervient dans toutes les étapes de l’intrigue principale. Donc, quand je commence un nouveau projet d’écriture, je réponds à deux questions sur le système magique : 

     – Comment fonctionne la magie ?

     – Comment va-t-elle poser problème ?

     Une fois ces grandes lignes en tête, je m’attaque à ma partie préférée : la création de mon protagoniste. Pour cette étape, je file sur Pinterest. J’ai besoin de visualiser ! Je regarde mille et un portraits à la recherche du visage qui m’inspire. Après cette étape, je ne possède donc que sa description physique. Je ne cherche pas à faire une fiche personnage (jardinière forever ! ). La seule chose à laquelle je vais réfléchir, c’est quel lien a mon protagoniste principal avec le système magique que j’ai déjà travaillé en amont.

  • A-t-il un don spécifique ?
  • Quelle est sa particularité ?
  • Comment et pourquoi va-t-il être impliqué dans l’intrigue ?

     Ces trois questions vont me donner une idée de mon intrigue principale et également du thème principal. 

     – Que va raconter mon histoire ? 

     Enfin, la dernière chose dont j’ai besoin pour commencer à écrire est de planter le décor. J’ai besoin d’un peu plus de détails sur l’époque à laquelle va se dérouler mon histoire, et je choisis aussi la civilisation qui va m’inspirer pour créer ma propre civilisation. Pour cette partie aussi, je passe quelques heures sur pinterest, mais une grande partie se fait dans les tréfonds de mes méninges. C’est un peu un kaléidoscope. je mets ma protagoniste dans un lieu, et j’essaie de visualiser ce que ça donne. 

     Ces grandes lignes en tête, j’attaque enfin l’écriture. 

 

Mise en scène du protagoniste

    La première chose que je vais faire, c’est mettre ma protagoniste principale en situation. Le plus souvent, dans une scène d’action pour découvrir son caractère, sa personnalité, ses compétences, ses aspirations, son passé et ses faiblesses. La scène d’action va me permettre de présenter au lecteur mon personnage, en utilisant le fameux show, don’t tell. Attention, quand je parle d’actions, je ne veux pas dire cascades hollywoodiennes et bataille rangée, mais plutôt une scène qui sort la protagoniste de son train-train quotidien. 

     Je prends un autre exemple : celui de la Passe-Miroir : Premier chapitre, Ophélie rend visite à son oncle car elle vient d’apprendre qu’elle doit se marier (son quotidien est bouleversé), et en quelques pages toutes bêtes, on a une idée de la personnalité d’Ophélie. On sait qu’elle est timide (elle parle avec une toute petite voix), mais têtue (elle a déjà refusé plusieurs prétendants), qu’elle est vachement gauche (elle casse une assiette). On sait qu’elle est capable de lire les objets (elle porte ses gants) et de passer les miroirs. 

     Donc, cette scène, c’est aussi l’occasion de présenter son personnage, son univers et son système magique avec quelques éléments disséminés, sans rentrer dans les détails, juste quelques notions. 

       Là, la magie de l’inspiration fait qu’en général, j’arrive à sortir une scène correcte, qui m’emmène d’un point A à un point B. Je retravaille la scène, je brode, je creuse. Et la scène se transforme en chapitre. 

Fil rouge de l’intrigue

     Après ça, les choses se corsent pour les jardiniers ! Sans plan, on peut vite s’emballer et partir dans tous les sens. Donc, ce que je vous conseille de faire lorsque vous avez votre premier chapitre, c’est de vous poser avant d’écrire la suite et de réfléchir à votre intrigue principale. Pour ma part, je vais réfléchir à mon climax. Le climax, c’est la confrontation entre le protagoniste et l’antagoniste. Donc, c’est le moment où je vais me pencher sur mon antagoniste, et répondre à cette question : 

     – Quelles sont les idées, les valeurs, qui vont s’affronter ? 

     – Pourquoi mon protagoniste va-t-il s’opposer à mon antagoniste ?

     – Quelles sont les forces que mon protagoniste va devoir affronter ? 

   Puis, le climax en tête, je sais où je vais. Donc, je peux réfléchir à ce qui vient avant mon climax.

     – Comment va-t-on arriver à cette situation ?

     – Que s’est-il passé en amont ?

     Les idées fusent. Certaines scènes me viennent à l’esprit. Je les note. Je verrais si je les développe par la suite ou pas. Je réfléchis aux évènements marquants, à ceux que j’ai besoin pour faire avancer mon intrigue et que je veux voir se réaliser. Tout ça me donne le fil rouge de mon intrigue principale. 

      Et ce que je vous conseille, lorsque vous avez ce fil rouge, c’est de ne jamais vous en éloigner. À chaque fois que vous entamez un nouveau chapitre, demandez-vous : 

     – À quoi sert mon chapitre ?

     – Quel lien a-t-il avec mon intrigue principale ?

     – Qu’apporte-t-il ?

        Si vous n’arrivez pas à y répondre, c’est que vous vous éparpillez en bon jardinier que vous êtes !

     Pour l’anecdote…

     Lorsque j’ai mon fil rouge, je vais me replonger dans l’écriture. Et là, vous allez rire, mais je n’écris pas le chapitre 2. Non ! Je vais écrire mon premier évènement marquant. Celui dans lequel mon antagoniste va entrer en jeu pour la première fois. Le vrai début du conflit. La première bataille. Tout ce qui se passe entre mon premier chapitre et ce moment, c’est de l’amorce, c’est ce qui va expliquer pourquoi le conflit commence. 

    Une fois ce chapitre écrit, je vais combler l’énorme trou qu’il y a entre mes deux chapitres. Je reprends mes post-it. Je reviens en arrière, je réfléchis à ce qu’il s’est passé pour arriver à cet évènement marquant. Mon personnage a-t-il rencontré des gens entre deux ? J’écris, je brode, je creuse, je rajoute du lore, des personnages, des intrigues secondaires, mais toujours en suivant mon fil rouge. Je ne m’en éloigne jamais. Je tourne autour. Une fois cette première partie écrite, je fais exactement le même travail pour la seconde partie du roman. J’écris cette fois-ci la fin. Je réfléchis aux évènements intermédiaires. J’écris les évènements en rapport avec mon intrigue principale. Je reviens en arrière, j’écris, je brode, je creuse, et je relie le tout. 

 

Le mot de la fin

     En suivant toujours ce fil rouge, votre premier jet contiendra toute votre intrigue principale, et une intrigue principale qui sera solide et qui tiendra la route. Vos évènements seront logiques, cohérents, réalistes. Et dans un roman, c’est l’élément le plus important.